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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/250

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regarder Franz de tous ses yeux, comme s’il n’eût pu se rassasier de le voir.

Il y avait sur son franc et bon visage une émotion profonde.

Il s’était découvert à l’approche du jeune homme et restait devant lui, tête nue.

— Allons, père Dorn ! dit Franz, n’allez-vous pas faire des façons avec moi ?… Ah çà ! du diable si je m’attendais à vous voir ici !… Que venez-vous donc faire à Geldberg ?

Une nuance d’embarras se répandit sur les traits du marchand d’habits.

— Je suis né sur le domaine de Bluthaupt, répliqua-t-il, et je viens visiter ma famille.

— Mais, voyez donc, père, s’écria Gertraud, comme M. Franz est changé !

Bien qu’il fût presque complètement remis de sa blessure, Franz gardait, en effet, pourtant, un reste de pâleur.

— C’est vrai, murmura Hans Dorn, l’air du pays ne lui vaut rien, ma fille… et je bénis Dieu de ne pas le retrouver encore plus malade…

Franz éclata de rire, et fit un petit geste de menace.

— Ah ! père Dorn, dit-il, voici qui vaut un aveu !… vous n’étiez pas étranger, je pense, à ces beaux avertissements anonymes qui me parvenaient, avant mon départ pour l’Allemagne.

— Je ne vous comprends pas, répliqua le marchand d’habits.

— Bien, bien !… vous êtes un homme discret, père Dorn ; mais nous reparlerons de cela plus tard… Pardieu ! vous me l’avez donnée bonne, avec votre menaçante lettre du cavalier allemand ! ma parole d’honneur, j’ai tremblé pendant dix grandes minutes !… non pas pour moi, mais pour une autre personne dont le nom était prononcé dans la lettre… Ah ! ah ! c’était bien imaginé !… Mais je ne suis plus un enfant, Dieu merci, père Dorn… et malgré ces mystérieux espions qui venaient s’informer de moi, chaque soir, chez mon concierge, j’ai pris bel et bien la clef des champs.

— Et vous êtes venu seul, dit Hans Dorn, seul et sans défiance au milieu de vos ennemis !…