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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/253

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ques paroles tombaient bien de ses lèvres ; mais Gertraud, qui écoutait, curieuse, n’en savait pas assez long pour donner un sens précis à ces phrases entrecoupées.

Des larmes lui venaient aux yeux quand le marchand d’habits prononçait le nom bien-aimé de sa mère ; elle se sentait au fond du cœur une tendresse pieuse pour cette noble race des comtes, à qui Hans Dorn gardait un si dévoué souvenir.

Cette famille de Bluthaupt se liait dans sa pensée à la patrie absente et à la mémoire de sa mère.

Elle n’avait jamais raisonné ce sentiment qui était dans son âme comme une religion, enseignée dès les jours de l’enfance.

Sa mère chérie avait été la servante de Bluthaupt, et le nom de la belle comtesse Margarethe, prononcé devant elle, éveillait en son cœur ce doux respect qu’on a pour la sainte préférée.

Depuis trois semaines, Hans Dorn s’échappait bien souvent à parler du passé ; mais tout ce qui concernait la maison de Bluthaupt avait, dans la mémoire de Gertraud, cette forme étrange et vague des récits merveilleux. Elle ne pouvait s’accoutumer à rapporter au présent ces lointaines histoires, dont la date avait précédé sa naissance. C’étaient des traditions déjà vieilles, et l’idée ne lui venait même pas de les rapprocher de la réalité.

Ce fut là, sur le seuil de la petite cabane, tapie au milieu des rochers, au bas de la montagne de Bluthaupt, qu’elle entrevit, pour la première fois, et bien confusément encore, le mot de l’énigme.

Une sorte de lumière se fit dans son esprit ; elle se souvint du cavalier allemand, ce héros des fantastiques récits de Franz, cet homme que son père respectait à genoux.

À qui Hans Dorn pouvait-il obéir ainsi en esclave, sinon à un fils de Bluthaupt ?

Elle s’étonna de n’avoir point deviné ; la cause de l’amour inexplicable que Hans Dorn avait montré à l’enfant lui fut révélée à cette heure.

Elle comprit la tendresse dévouée qu’elle-même ressentait presque à son insu, depuis le premier jour où elle avait aperçu Franz.

Le rouge lui monta brusquement au visage. Était-elle en face de son