Aller au contenu

Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Accidents… accidents ! répéta le marchand d’habits.

— Racontez-nous donc tout cela, monsieur Franz, dit Gertraud, qui était à la fois curieuse et d’avance effrayée.

— Des misères, petite sœur !… ce n’est vraiment pas la peine de prendre ce visage grave, et j’aime bien mieux votre joli sourire… sais-je, moi, le compte de mes prétendus périls ?… Attendez ! D’abord, j’ai failli être percé de part en part de la propre main de mon ami Julien d’Audemer.

— Le frère de mademoiselle Denise !… murmura Gertraud.

— J’intercède auprès de vous pour ce pauvre vicomte, dit Franz, d’un ton de grave ironie ; j’ai lieu de craindre qu’il ne soit pas de mon parti, comme il le devrait, dans certaines affaires. Il lança un regard d’intelligence à Gertraud. Mais sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, je déclare qu’il n’a point voulu m’assassiner.

Il haussa les épaules et prit un accent de pitié.

— Voyez-vous, mes bons amis, poursuivit-il, on a vraiment beau jeu quand on veut faire des monstres de tout !… Les aventures les plus simples se changent en drames formidables… Il s’agissait tout bonnement d’un petit assaut d’armes entre mon camarade Julien et moi. Je voulais voir un peu ce que valait la fameuse leçon de Grisier !… Le fleuret de Julien se cassa… Un brave garçon, nommé Mâlou, qui nous servait de prévôt, remit à Julien un second fleuret que nous n’examinâmes ni l’un ni l’autre, à cause de la chaleur du combat…

— Il me semble avoir entendu prononcer ce nom de Mâlou à Paris, murmura Hans Dorn.

— Le pauvre diable eut une belle peur ! continua Franz, en voyant mon sang couler à la première passe… Le fleuret, qui avait glissé sous mon aisselle, était aiguisé par hasard.

— Par hasard !… répéta Hans avec amertume.

— Mon Dieu, oui !… Le lendemain, il y avait chasse au chien courant… je rencontrai, pour la première fois dans les chaumes, cet honnête donneur d’avis qui, depuis lors, m’a poursuivi comme une proie… Il me corna aux oreilles un tas de fadaises, à savoir, qu’on en voulait à ma vie et que ce jour-là même il m’arriverait malheur… On m’avait mis entre les mains un joli fusil allemand que j’avais grande hâte d’essayer… je me