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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/33

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CHAPITRE VI.

DRAME EN PLEIN VENT.

C’était une chose curieuse et digne d’être vue. Tous ces gens, vendeurs, acheteurs, râleuses et compères, avaient motif vraiment de se déranger ! On ne se trouve pas tous les jours en face de tant de souffrances, et, pour regarder de près une si amère détresse, il est bien permis de faire quelques pas.

Les théâtres pleureurs n’ouvrent que le soir ; quand on peut attraper, dès le matin, un petit bout de drame, c’est une excellente aubaine. La journée commence bien ; ce peuple, amoureux de calamités, court après les sanglots et paierait sa place volontiers aux fêtes matinales de la guillotine. Il regarde avec intérêt le malfaiteur qui passe entre deux gendarmes ; il se loge dans la Cité, pour avoir plus voisines les joies du pilori et de la cour d’assises. Son cœur bat tout doucement au seuil froid de la Morgue. Au milieu de ces luttes honteuses qui passent de plus en plus dans nos mœurs populaires, quand un couteau s’ouvre lâchement, quand un homme éventré tombe et crie, la rue s’encombre, on arrive, on se hâte ; la curiosité heureuse enflamme le visage des commères, et, pendant huit jours, on viendra en pèlerinage voir si le pavé garde quelque bonne petite tache de sang.

Nous sommes la plus tendre nation qui soit au monde, fi des corridas