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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/337

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— Flatterie !… dit-elle.

— Non ! oh ! non !… Tous ceux qui vous voient doivent vous adorer… et vous serez belle pour tous cette nuit, Sara, excepté pour moi…

Il se leva comme pour éprouver sa force revenue ; ses jambes ne chancelaient plus guère.

— Si j’osais, prononça-t-il timidement, je vous avouerais ma folie, Sara… J’ai envie d’aller à ce bal…

— Pourquoi non ? répliqua Petite, que sa distraction emportait de plus en plus.

— Hélas ! vous n’y songez pas, reprit l’agent de change ; vous êtes bonne, et la présence d’un pauvre malade gâterait votre plaisir.

L’œil de Sara, qui se fixait dans le vide, retomba tout à coup sur M. de Laurens.

— Non, dit-elle, votre présence ne pourra que me rendre joyeuse. Si vous vous sentez la force de venir, venez.

L’agent de change hésitait.

— Je vous en prie, ajouta Petite doucement.

Laurens lui baisa la main avec un transport de gratitude.

— Merci !… merci ! murmura-t-il, vous êtes un ange de bonté… mais il faut être costumé pour aller à ce bal.

— Un malade !… répondit Petite ; d’ailleurs vous avez cette robe de chambre de brocart… avec cela et un masque…

— C’est vrai, c’est vrai ! s’empressa de dire l’agent de change.

Il s’élança, dans toute la force du terme, dans son cabinet de toilette.

Petite le suivait du regard et ses sourcils se froncèrent, tant elle lui trouvait le pas ferme et vif.

Au bout de quelques minutes, Laurens reparut. Les plis amples de la robe, serrée autour de sa taille, dissimulaient sa maigreur et son visage rayonnait ; il était beau ; il se redressait en une vigueur nouvelle ; sa maladie semblait un rêve.

Petite cacha le sourire amer qui relevait sa lèvre.

— Venez, dit-elle, l’heure presse…

Elle donna sa main à l’agent de change, et ils sortirent.