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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/351

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bras de madame d’Audemer, c’était Lia, une douce fleur, qui promettait ce que les autres tenaient ; c’était sa fille encore.

Autour de lui, ses associés, le sévère et savant docteur Mira, le bon, le charitable chevalier de Reinhold, Fabricius Van-Praët, ce modèle des commerçants honorables, le fier Madgyar Yanos, et enfin Abel de Geldberg lui-même formaient comme une garde du corps. Tous ces gens lui étaient attachés par le respect et l’affection sans bornes. Il passait là, le riche et heureux vieillard, donnant à chacun des sourires pleins de bienveillante condescendance. C’était un roi, daignant se montrer à sa cour. Quand on y réfléchissait bien, on se disait en vérité que cette famille de Geldberg était unique en ce monde ; que de tendresse pieuse dans les soins donnés par ces charmantes femmes à leur vieux père ! et aussi que de bonheur serein sur le vénérable front du vieillard ! Le ciel doit ces calmes félicités à une vie pure et sans reproches… Arrivé au milieu de la salle M. de Geldberg donna un signal, et les danses recommencèrent, plus joyeuses que jamais.

Pendant que l’orchestre précipitait les notes cadencées d’un quadrille à la mode, un homme de haute taille, le visage entièrement caché par une longue barbe noire qui venait rejoindre le bas de son masque, faisait son entrée sans être remarqué par personne. Cet homme, qui se glissait silencieux dans la foule, allait produire bientôt une sensation presque aussi grande que les trois Hommes Rouges ou le vieux M. de Geldberg lui-même.

Il était vêtu d’une longue robe de bure à capuchon, ceinte à la hauteur des reins par une corde de chanvre ; ceux qui l’aperçurent le désignèrent sous le nom de l’ermite, et c’est ainsi que nous l’appellerons. Le vieux Moïse de Geldberg semblait heureux de toutes les joies qui l’entouraient ; il regardait, d’un œil bénin et débonnaire, les magnificences du bal, l’excellent vieillard ! le digne homme ! le vrai patriarche ! Tout en dansant, dames et cavaliers croisaient à son intention un feu roulant de louanges ; il était le lion ; rassemblée entière se cotisait pour lui faire un succès de triomphe. On se disait : — Voyez que de bonté sur sa physionomie !

— Et que d’intelligence encore dans la vivacité de son regard !

— Voyez ! il y a toute une conscience pure dans ce bon sourire !…