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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/363

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baron de Rodach !… mais à la guerre comme à la guerre !… il paraît qu’il sait se contenter de peu…

— Vous êtes sûr de l’avoir vu disparaître ici même, seigneur Yanos ? demanda Reinhold.

— J’en suis sûr.

Reinhold baissa la voix jusqu’au murmure, comme s’il eût craint qu’une oreille ne fût ouverte dans l’ombre de l’escalier tournant.

— Alors, reprit-il, nous le tenons !

Parmi les associés, chacun se reportait à cette mystérieuse aventure arrivée le matin même. On s’expliquait maintenant cette étrange résistance que les domestiques de Geldberg avaient rencontrée lorsqu’ils étaient montés pour ouvrir la plus haute chambre de la Tour-du-Guet. Ils s’expliquaient en même temps les bruits qui couraient dans le pays, et qui disaient que l’âme de Bluthaupt s’était ranimée au sommet du donjon. Il y avait un intrus dans le laboratoire où meinher Van-Praët faisait jadis de l’or. On ne connaissait d’autre issue à la Tour-du-Guet que l’escalier donnant sur la galerie. Van-Praët, Reinhold et Mira se consultèrent un instant, puis ils ordonnèrent à un domestique d’aller chercher Johann, Mâlou et Pitois, à qui l’on avait donné asile dans les communs du château. Le Madgyar entendit cet ordre et secoua la tête.

— S’il veut passer, pensa-t-il tout haut, vos hommes avec leurs couteaux n’y feront rien… il passera !

— C’est ce qu’il faudra voir, mon intrépide ami ! répliqua Van-Prët.

Johann et ses deux compagnons furent postés en sentinelle au bas de l’escalier ; les associés regagnèrent la salle du bal.

Le plaisir avait effacé toute trace de l’émotion récente. On causait bien encore çà et là, autour des murailles richement vêtues, des faits et gestes de ce bizarre personnage dont l’aspect avait glacé la joie générale, mais un peu de mystère va bien partout, et au bal masqué mieux qu’ailleurs. Ces incidents donnent du piquant à une fête ; il ne faut pas s’en plaindre pourvu qu’on ne les prolonge point outre-mesure. Ici, la scène avait duré juste assez de temps pour piquer la curiosité sans lasser l’attention. Les invités avaient une vénération grande pour la maison de Geldberg, mais on constate volontiers l’embarras des gens qu’on vénère. D’un autre côté,