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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/368

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— Une demi-heure après l’ouverture de la chasse.

— J’y serai, dit Franz.

Sara lui fit un petit signe de tête gracieux et perça la foule. Il y eut sous le voile du personnage déguisé en spectre comme un écho des dernières paroles de Franz. Il se détourna pour suivre Sara du regard, puis on le vit se diriger péniblement vers l’une des issues de la salle. Il traversa les longs corridors, et monta l’escalier qui conduisait à l’appartement de l’agent de change Léon de Laurens. Il introduisit une clef dans la serrure de cette porte, que Petite avait fermée à double tour sur son mari agonisant. Il entra. Son suaire tomba et découvrit la lace hâve de Léon de Laurens lui-même. Il se laissa choir sur le pied de son lit. Ses traits, minés par la souffrance, exprimaient une mortelle angoisse.

Il resta longtemps immobile et semblable à un homme frappé de la foudre. Puis du fond de ses yeux caves, deux larmes roulèrent lentement sur sa joue. Sa poitrine amaigrie se souleva ; ses lèvres pâles s’entr’ouvrirent, et ces mots tombèrent comme en un sanglot déchirant :

— Je l’aime encore !…

En quittant Franz, Petite avait rejoint le chevalier de Reinhold.

— Demain, lui dit-elle, après l’ouverture de la chasse, il sera dans les ruines de l’ancien village.

— Tout seul ? demanda le chevalier.

— Avec moi… prenez vos mesures en conséquence.

— Belle dame, disait le jeune monsieur Abel à madame la marquise de Beautravers, sa danseuse privilégiée, je ne sais si je rêve, mais il me semble que nos Hommes Rouges ont grandi de trois ou quatre pouces dans la soirée. Madame la marquise braqua son binocle vers l’endroit indiqué.

— C’est vrai, pourtant ! répliqua-t-elle, je viens d’en voir passer un, et il me paraissait beaucoup plus petit… mais, je vous prie, qui sont donc ces messieurs ?

Abel abaissa le croc pommadé de sa moustache.

— Ceci est un grand secret, belle dame ! dit-il, on n’a pas voulu me le confier à moi-même… Mais tenez ! en voilà un qui va intriguer madame la vicomtesse d’Audemer.