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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/40

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— Par la mémoire de mon père, je le jure !

Johann lâcha le billet ; Jean se précipita dans la foule tête baissée.

— J’ai juré de partir, pensait-il, ivre de joie cette fois ; mais je n’ai pas juré de tuer !…

Johann le suivait d’un regard sardonique, et tâtait les meurtrissures vives de son cou.

— Je pense bien qu’il y en aura plus d’un à rester là-bas, grommela-t-il ; l’affaire est faite, en tous cas, et j’ai fameusement gagné mes rentes !

La foule avait suivi pas à pas la mère Regnault, et les recors étaient maintenant sur le point d’atteindre le fiacre. La scène entre Johann et le joueur d’orgue n’avait pas duré plus d’une minute.

Et, tout en s’approchant, la cohue s’était épaissie peu à peu au point de former une barrière compacte et circulaire.

Jean avançait lentement, bien que tout le monde fit effort pour lui livrer passage. Sa venue tardive était un coup de théâtre ; elle fouettait la curiosité qui commençait à languir ; on avait lieu maintenant d’espérer du scandale : le drame marchait à souhait.

— Laissez passer ! criait-on sur les derrières du cercle ; laissez passer le petit camaro qui va crosser un peu les corbeaux !

— Hardi ! Jean, mon mignon. Si tu tapes, n’oublie pas le coup de poing sous le menton… ça coupe la langue !

— Et le talon dans le jarret… ça casse la jambe !

— Laissez passer, vous autres ! laissez passer !…