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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/405

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Jean le tirait par ses vêtements et cherchait à l’entraîner.

— Mais venez donc ! s’écria-t-il ; le pauvre jeune homme ne se doute de rien, et parle d’amour sur la traverse, au fond du trou de la Hœlle !… Johann gravit la montagne… et quand il sera au bord du précipice… que Dieu vous pardonne, monsieur Hans, car vous aurez perdu une minute !

Hans marchait, mais lentement, et il y avait de la défiance dans le regard qu’il jetait au joueur d’orgue.

— Ne me croyez-vous donc pas ? reprit celui-ci. Mon Dieu ! que faut-il vous dire ?… Vous êtes le père de Gertraud que j’aime ! Ah ! si j’avais eu un fusil, je ne serais pas venu vers vous… Mais j’étais seul et sans armes… Je me souvenais de vous avoir vu passer tout à l’heure dans la traverse, tenant un cheval par la bride… Je suis accouru, je vous trouve, et c’est vous qui refusez de sauver M. Franz !

— Marchez !… dit Hans Dorn en jetant son fusil sur son épaule.

Le joueur d’orgue s’élança et prit le sentier que madame d’Audemer avait suivi à cheval pour se rendre au sommet de la montagne. La route était rude ; Hans Dorn et lui couraient de leur mieux. Jean était toujours en avant, car les années avaient alourdi le pas du père de Gertraud. Jean disait :

— Nous arriverons à temps peut-être… Johann s’était posté d’abord dans la traverse, mais il a eu peur des lumières, et je l’ai vu gravir le flanc de la montagne… la route est presque impraticable, et il va lentement pour ne point faire de bruit… Mais hâtez-vous, monsieur Dorn, au nom de Dieu !

Hans faisait des efforts surhumains ; il allait, penché en avant et gravissant cette côte roide avec une ardeur de jeune homme ; mais il ne pouvait rendre à ses muscles leur souplesse de vingt ans. L’avance du joueur d’orgue grandissait. Jean s’arrêta.

— Écoutez, dit-il, donnez-moi votre fusil… j’arriverai le premier.

— J’arriverai avant toi ! s’écria Hans dans un dernier effort.

Un instant, en effet, il devança le joueur d’orgue, mais l’haleine lui manqua bientôt, et il fut obligé de modérer sa course.

— Donnez-moi votre fusil ! répéta Jean ; qui sait combien de secondes nous restent !