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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/427

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quitta son coin tout doucement, et se glissa au milieu d’eux à pas de loup.

— Mes enfants !… mes pauvres enfants ! dit-il, ne refusez rien à cet homme, qui est puissant et impitoyable !…

Esther et Abel hésitaient.

— Nous laisser dépouiller ainsi ! pensa tout haut madame de Laurens, les sourcils froncés et les dents serrées.

— Écoutez, reprit le vieux Geldberg, dont la voix tremblante était pleine de caresses ; si vous saviez comme je vous aime, mes pauvres enfants !… Allez ! vous ne serez pas pauvres encore !… Il me reste quelques centaines de mille francs, cachés quelque part… je ne garderai rien pour moi… rien… je vous donnerai tout !

— Eh bien !… dit M. de Rodach.

— Ils acceptent ! répondit précipitamment le vieux Geldberg.

Le silence de la famille ratifia ces paroles. Les yeux du baron, qui se fixaient en ce moment sur le vieillard, eurent une expression de pitié. Mais ce ne fut qu’un instant, et il reprit bientôt son air impérieux et froid.

— Reste une question à résoudre, poursuivit-il ; ces quatre hommes que la justice de Bluthaupt a mis à mort, il faudra expliquer leur disparition.

— Il me semble que vous seul… commença madame de Laurens.

— Vous vous trompez, interrompit Rodach ; c’est encore vous que cela regarde !… entendez-moi bien, et n’essayez pas de discuter !… Ce vieillard est sujet à des accès de folie.

Mosès Geld se redressa, étonné.

— Vous le ferez enfermer, poursuivit Rodach, et comme on met tout ce qu’on veut sur le compte d’un homme frappé de démence…

Moïse baissa la tête de nouveau, il avait compris : ses enfants allaient être ses juges. Ceux-ci reculaient presque devant cet excès d’infamie.

— Monsieur !… Monsieur !… dit Abel.

— Je vous le demande à vous-même, interrompit encore Rodach : est-ce un homme sain d’esprit que ce millionnaire, ayant nom M. de Geldberg, qui va vendre des haillons et prêter à la petite semaine, sous le sobriquet d’Araby, dans la Rotonde du Temple ?…