Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/43

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Bouton-d’Or dansait sur ses petits pieds impatients ; la grande duchesse trépignait ; Batailleur avait envie de pleurer, et madame Huffé, oubliant ses malheurs, exécutait à son insu diverses révérences.

Mais l’allégresse devait aller plus loin encore. Quand on vit Jean présenter le billet libérateur et donner ainsi à la pièce un dénoûment dans toutes les règles, ce fut un véritable délire. Chacun s’attendrit outre mesure ; on ne se souvint plus d’avoir raillé ; on avait pour ces pauvres gens en vif et chaud intérêt.

— Une si brave bonne femme ! disait Bouton d’Or, les larmes aux yeux.

— Du monde si honnête et qui n’ont jamais fait de tort à personne ! ajoutait une râleuse sensible avec componction.

— À l’eau les corbeaux ! cria Pitois.

Une clameur immense, courroucée, menaçante, accompagna la fuite précipitée des malheureux recors.

Et, tandis que la famille Regnault s’échappait par l’allée de sa demeure, on portait Geignolet en triomphe autour de la place de la Rotonde…

Hans Dorn n’avait eu aucune connaissance de cette scène ; pendant qu’elle avait lieu, il était retiré avec son camarade Hermann et nos autres convives du cabaret de la Girafe, dans un cabinet particulier des Deux Lions. Là, il exécutait les derniers ordres du baron de Rodach.

Il demandait à tous ces émigrés d’Allemagne, anciens vassaux de la maison de Bluthaupt, s’ils étaient prêts à quitter Paris pour le service du fils de leur maître.

Et tous promettaient leur concours à cette œuvre fidèle.

Tous sans exception.

De sorte que, si des assassins soudoyés devaient prendre la route du château de Geldberg, il devait s’y trouver aussi de loyaux défenseurs.

Et la bataille pouvait être égale entre les meurtriers du vieux Gunther et les serviteurs de son fils.

Dans la pauvre chambre de la mère Regnault avait lieu une scène de muet bonheur, que troublait seulement l’air sombre et soucieux du joueur d’orgue. Lui qui avait sauvé son aïeule aimée, lui qui aurait dû être