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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/460

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visage ; n’avez-vous jamais désiré mourir pour la Bretagne, monsieur de Vaunoy ?

— Saint-Dieu ! mon cousin, il est à croire que cette idée a pu me venir une fois ou l’autre, répondit Hervé à tout hasard.

— Mourir pour la Bretagne ! mourir pour sa mère opprimée, monsieur, n’est-ce pas le devoir d’un gentilhomme ?

— Si fait… mais…

— Le temps presse, et mon projet n’est point d’entrer dans d’inutiles explications. Quand je ne serai plus là, Georges aura besoin d’un appui…

— Je lui en servirai.

— D’un père…

— Ne vous dois-je pas la reconnaissance d’un fils ? déclama pathétiquement Vaunoy.

— Vous l’aimerez bien, n’est-ce pas, Hervé, ce pauvre enfant que je vous lègue ? Vous lui apprendrez à aimer la Bretagne, à détester l’étranger… vous me remplacerez.

Vaunoy fit le geste d’essuyer une larme.

— Oui, reprit le vieillard, en refoulant son émotion au dedans de soi, — vous êtes bon, bon et loyal. J’ai confiance en vous et ma dernière heure sera tranquille.

Il se leva, traversa la salle d’un pas ferme, et ouvrit un meuble d’où il sortit un parchemin scellé à ses armes.

— Voici un acte, continua-t-il, que j’ai rédigé moi-même cette nuit, et qui vous confère la pleine propriété de tous les domaines de Tremlays.

Vaunoy tressauta sur son siège. Ses yeux éblouis virent des millions d’étincelles. Tout son sang se précipita vers sa joue. M. de la Tremlays, occupé à déplier le parchemin, ne prit point garde à ce mouvement de joie délirante.

Il continua :

— Sans vous mettre dans mon secret, qui appartient à la Bretagne, je puis vous dire que mon entreprise m’expose à une accusation de lèse-majesté. Ce crime — car ils nomment cela un crime ! — entraîne non-seulement la mort, mais la confiscation de tous les biens de l’accusé. Il faut que l’héritage de Georges Treml soit à l’abri de cette chance, et je vous ai choisi pour dépositaire de la fortune de mon petit-fils.

Vaunoy n’eut point la force de répondre, tant sa cervelle était bouleversée par cet événement inattendu. Il mit seulement la main sur son cœur et darda son regard hypocrite.

— Acceptez-vous ? demanda Nicolas Treml.

— Si j’accepte ! s’écria Vaunoy, retrouvant à propos la parole. — Ah ! mon cousin, voici donc venue l’occasion de vous témoigner ma gratitude ! Si j’accepte !… Saint-Dieu ! vous me le demandez !…

Il prit à deux mains celles du vieillard.

— Merci, merci, mon noble cousin ! continua-t-il avec effusion ; je prends le ciel à témoin que votre confiance est bien placée.

Job, le chien favori de M. de la Tremlays, interrompit à ce moment Vaunoy