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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/463

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Ce modèle des cousins voulut à toute force faire la conduite à M. de la Tremlays jusqu’au bout de son avenue. Quant à Job, on fut obligé de le mettre à la chaîne pour l’empêcher de suivre son maître.

Au bout de l’avenue, M. de la Tremlays arrêta son cheval et tendit la main à Vaunoy.

— Retournez au château, dit-il ; nul ne doit savoir où se dirigent mes pas.

— Adieu donc, monsieur mon excellent ami ! sanglota Vaunoy, mon cœur se fend à prononcer ces tristes paroles. — Adieu, dit brusquement le vieillard. Souvenez-vous de vos promesses et priez pour moi.

Il piqua des deux. — Le galop de son cheval s’étouffa bientôt sur l’épaisse mousse de la forêt.

Hervé de Vaunoy garda pendant quelques secondes son visage contristé, puis il frappa bruyamment ses mains l’une contre l’autre en éclatant de rire.

— Saint-Dieu ! dit-il, on m’a donné place en un petit coin, et le diable a fait le reste… Bon voyage, monsieur mon digne parent ! soyez tranquille ! nous accomplirons pour le mieux nos promesses, et vos domaines passeront en bonnes mains !

Il rentra au château la tête haute et le feutre sur l’oreille. En passant près de Job ; il frappa rudement le pauvre chien du pommeau de son épée en disant :

— Ainsi traiterai-je quiconque ne pliera point.

Ce jour-là, les serviteurs de Treml oublièrent de chanter leurs joyeux noëls à la veillée. Il y avait autour du château comme une atmosphère de malheur, et chacun pressentait un événement funeste.

Nicolas Treml enfila au galop les sentiers tortueux de la forêt. Au lieu de suivre les routes tracées, il s’enfonçait comme à plaisir dans les plus épais fourrés. À mesure qu’il s’enfonçait, l’aspect du paysage devenait plus sombre, la nature plus sauvage. De gigantesques ronces s’élançaient d’arbre en arbre comme les lianes des forêts vierges du Nouveau-Monde. Çà et là, au milieu de quelque clairière où croissaient l’ajonc et l’aride genêt, une misérable cabane fumait et animait le tableau d’une vie mélancolique.

Après une demi-lieue faite à franc étrier, le vieux gentilhomme fut obligé de ralentir sa course. La forêt devenait réellement impraticable. Il attacha son cheval au tronc d’un chêne près duquel paissait déjà la monture de son écuyer Jude, qui ne devait pas être fort loin, et se fraya un passage dans le taillis. Quelques minutes après, il rejoignait son fidèle serviteur, qui l’attendait, assis sur le coffret de fer.

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