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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/503

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XIV
OÙ LE LOUP BLANC MONTRE LE BOUT DE SON MUSEAU.


Didier prit Fleur-des-Genêts dans ses bras et la déposa sur le gazon près de lui. La pauvre enfant n’avait point de paroles parce qu’elle était trop heureuse. Elle regardait en silence le beau capitaine qui lissait doucement sur son front les bandeaux de sa blonde chevelure. Leurs yeux humides se souriaient. L’épais berceau qui leur cachait le ciel les enveloppait dans son ombre ; et parfois, lorsque le vent secouait les branches, un fugitif rayon de soleil s’égarait jusqu’à leur visage. C’était un tableau comme n’en font point souvent les peintres, un de ces tableaux que caresse le poëte, et qu’il rêve aux heures d’élite où la poésie descend dans son cœur.

Après quelques minutes de silence, Fleur-des-Genêts secoua tout à coup ses longs cheveux d’or, et se prit à regarder avec une joie d’enfant le nouvel uniforme de Didier.

— Que tu es beau ! dit-elle, que tu es beau, et que je t’aime !

Didier prit sa petite main blanche et il l’éleva jusqu’à sa lèvre.

— Tu as grandi, répondit-il, tu es plus jolie encore qu’autrefois !

Marie ne cacha point sa joie.

— Tant mieux ! s’écria-t-elle, j’ai pleuré pourtant, et les larmes enlaidissent les jeunes filles.

— Pourquoi pleures-tu, Marie ?

— Parce que les sentiers déserts de la forêt me parlaient de toi et de ton absence, Didier ; parce que le gazon avait reverdi aux endroits où tu avais coutume de l’asseoir ; parce que mon père me disait que tu ne reviendrais plus.

— Ton père ! répéta Didier avec étonnement ; il savait donc ?…

— Il sait tout ! dit la jeune fille, qui devint sérieuse. — Il ne faut point essayer d’échapper aux regards de Pelo Rouan… Il sait tout !

Didier garda le silence et resta pensif.

— Il nous épiait donc ? demanda-t-il enfin.

— Qui peut dire ce que fait Pelo Rouan ? prononça Marie avec emphase. Il savait cela parce qu’il sait tout. Quand tu partis, il me baisa au front et me dit : Enfant, il faut l’oublier ; c’est un Français, et les Français trompent les pauvres jeunes filles. Ils sont lâches et ils sont menteurs.

Didier rougit et fronça le sourcil.