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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/577

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d’accorder un tête-à-tête ? répéta mademoiselle Olive avec un commencement d’aigreur.

Alix sembla se réveiller en sursaut et regarda sa tante avec étonnement.

— Je pense, mon enfant, reprit encore Olive en contenant son humeur, — que vous allez me faire la grâce de me répondre, ne fût-ce que par un oui ou non.

— Sans doute, ma tante…

— Eh bien ?…

— Oui, ma tante.

Mademoiselle Olive s’agita fébrilement sur son siège.

Alix se leva, la salua et sortit.

— Allons ! s’écria Olive en regardant par habitude la glace qui, cette fois, au lieu d’un sourire, lui renvoya une fort laide grimace ; elle a du moins le mérite de la franchise… Oui, ma tante… Et pas la moindre émotion ! pas le plus petit soupir ! Oui, ma tante !… Ne dirait-on pas qu’il s’agit de la chose du monde la plus simple ? Oui, ma tante ! un rendez-vous ! une intrigue dans les formes… et pas de mystère… en plein jour… Oui, ma tante !… Ah ! si jamais l’amour m’avait blessée, moi, de ses traits brûlants, de quel voile charmant j’aurais enveloppé ma faiblesse ! J’aurais été soupirer le nom du bien-aimé à la brise des soirs ; j’aurais erré à minuit sous la charmille ; j’aurais passé des heures délicieuses à contempler la lune…

Mademoiselle Olive de Vaunoy dit encore une multitude de ravissantes choses, que nous passons à regret sous silence.

Alix ne se doutait guère de l’orage qu’elle venait de soulever. À vrai dire elle avait autre chose en tête.

Elle traversa rapidement le corridor et gagna sa chambre où elle se prit à marcher à grands pas…

— Je veux le voir ! dit-elle encore après quelques minutes d’un silence agité.

Elle prit dans sa cassette une bourse de soie et agita vivement une petite sonnette d’argent posée à son chevet. Ce coup de sonnette était un appel à l’adresse de mademoiselle Renée, fille de chambre d’Alix.

Renée se hâta de mettre fin à un entretien rempli d’intérêt qu’elle avait dans le vestibule avec le bel Yvon, valet de chiens de la Tremlays, rajusta sa coiffe, lissa d’un revers de main ses cheveux légèrement ébouriffés, et monta les escaliers quatre à quatre.

— Prévenez Lapierre, dit Alix, que je veux lui parler sur-le-champ.

Renée sortit, et l’instant d’après Lapierre était introduit dans l’appartement de mademoiselle de Vaunoy. À sa vue, Alix ne put retenir un geste de violent dégoût.

Lapierre entra chapeau bas, mais gardant sur son visage l’expression d’indifférente effronterie qui lui était naturelle.

— Mademoiselle m’a fait appeler ? dit-il.

Alix s’assit et fit signe à Renée de s’éloigner. Pendant un instant, elle garda le silence et baissa les yeux, comme si elle eût hésité à prendre la parole.