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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/622

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Fleur-des-Genêts riait, pleurait et remerciait Notre-Dame de Mi-Forêt. Pelo Rouan ou Jean Blanc, penché sur la main de son jeune maître, savourait l’allégresse infinie qui emplissait son âme.

Au bout de quelques minutes, Jean Blanc se redressa. Ses sourcils étaient légèrement froncés et tous ses traits exprimèrent une grave résolution.

— Et maintenant, dit-il, Georges Treml, vous êtes Breton et noble ; il faut regagner l’héritage de votre père tout entier : noblesse et fortune !

Jean Blanc n’eut pas besoin de donner de longues explications à son jeune maître, qui savait en grande partie son histoire, l’ayant entendue de la bouche du pauvre écuyer Jude, sans se douter qu’il pût y avoir le moindre rapport entre lui, Didier, officier de fortune, et Georges Treml, le représentant d’une famille puissante.

Les circonstances, dit-on, font les hommes. Ce proverbe est vrai dans un sens et nous semble fort à la louange de l’humanité. Qui peut nier qu’un fils de grande maison, dépouillé par une fraude infâme, et patron naturel de toute une population souffrante, ne doive autrement se comporter qu’un soldat sans souci, n’ayant ici-bas d’autre mission que de se bien battre toujours et de se divertir à l’occasion ? Didier, en devenant Georges Treml, se sentit naître au cœur une gravité inconnue. Il comprit ce qu’exigeaient de lui son nom et la mémoire de ses pères. De brave qu’il était, il devint fort.

— Je vais me rendre à la Tremlays, dit-il ; j’aurai raison de M. de Vaunoy.

— Je l’espère, répondit Jean Blanc avec un sourire dont le capitaine ne put saisir la signification ; — allez à la Tremlays, monsieur Georges, et attendez-y M. de Vaunoy.

Avant de se séparer de Jean Blanc, le capitaine lui serra la main.

— Ce doit être, en effet, une noble race que celle de Treml, dit-il, — et je suis fier d’avoir un peu de ce bon sang dans les veines. Ce n’est pas une famille vulgaire qui peut avoir des serviteurs tels que vous… Jean Blanc, je vous remercie.

— Jude a fait mieux que moi, répondit l’albinos avec modestie, Jude est mort pour vous, le bon garçon… Il méritait cela, monsieur Georges : il vous aimait tant !

— Pauvre Jude ! murmura Didier ; c’était un cœur fidèle et pur…

— C’était un Breton ! interrompit Jean Blanc. — À propos, notre monsieur, il faudra oublier que vous avez porté l’uniforme de France… Les os de votre aïeul blanchissent là-bas et s’élèveraient contre vous si votre épée restait au roi de Paris.

Le capitaine ne répondit point. Il boucla son ceinturon, remit son feutre et se disposa à partir. Sur le seuil était Marie qui s’appuyait au mur et avait perdu son joyeux sourire.

Une triste pensée était venue parmi son allégresse. Elle s’était demandé ce que pouvait être la fille du charbonnier pour l’héritier de Treml ?

En passant auprès d’elle, le capitaine la pressa sur son cœur.

— Jean, mon ami, dit-il en souriant, vous auriez eu grand tort de me tuer, car, moi qui ai traité autrefois plus d’une noble dame en fillette, j’ai traité