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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/632

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l’épée au côté, la mine haute et fière, comme il convient à un Breton de bon sang…

Mademoiselle Olive joua de l’éventail. Cette belle personne excellait à cet exercice estimable. M. de Béchameil ouvrit de grands yeux.

— Peste ! pensa-t-il, ce n’est pas un mendiant après tout.

— Tels étaient les noms et titres de Nicolas Treml, votre aïeul vénéré, mon jeune ami, reprit Vaunoy, répondant aux derniers mots du capitaine.

— Et tels seront aussi les miens, monsieur, prononça Georges avec fermeté.

— Bien dit ! pensa Goton Rehou, qui admirait chaque mot, chaque geste de son jeune maître.

— Monsieur mon cousin, repartit Vaunoy en mettant de côté son patelin sourire, — je crois que vous vous faites une idée fausse et singulièrement exagérée de votre position nouvelle.

— Ne suis-je pas l’héritier de mon aïeul ?

— Si fait, Saint-Dieu !… mais…

— Mais quoi ? demanda Georges avec impatience.

— Mais quoi ? répéta en aparté la vieille Goton triomphante.

Il n’y eut pas jusqu’à M. l’intendant royal qui, persuadé du bon droit du capitaine, ne se dit in petto :

— Mais quoi ?

Hervé de Vaunoy reprit son sourire.

— Mon jeune ami, dit-il, l’emportement nuit parfois et ne sert jamais. À mon âge on ne parle pas à la légère… Croyez-moi : l’héritage de Nicolas Treml, — dont Dieu puisse avoir l’âme loyale en son paradis ! — ne vous fera pas bien riche.

Le capitaine sentit le rouge de l’indignation lui monter au visage. Il s’approcha de manière à n’être entendu que de Vaunoy.

— Il y a sous votre toit, dit-il d’une voix contenue et que la colère faisait trembler, une personne que je respecte autant que je vous méprise, que j’aime autant que je vous hais… Rendez grâce à Dieu de posséder une pareille égide, monsieur ; car je vous connais. Je porte les traces de vos traitreuses attaques, je sais combien de fois vous avez tenté de m’assassiner ; je sais que cette nuit encore…

— Que ne parlez-vous haut, monsieur mon cousin ? demanda Vaunoy, qui fit appel à toute son effronterie.

— Misérable ! poursuivit Georges sans élever la voix ; tu sais bien que ta fille est entre nous… ta fille qui est aussi sainte que tu es, toi, impur et souillé. Je ne dirai rien ; mais tu es aussi chez moi, et à tout le moins, je puis te faire chasser par les soldats sous mes ordres.

Vaunoy fit un salut ironique.

— Mademoiselle ma sœur, dit-il, et vous, monsieur l’intendant, veuillez excuser notre entretien secret. Je vais, du reste, vous mettre au fait… Mon jeune cousin, pour premier acte de bonne parenté, me menace de me faite chasser de chez moi par les soldats de Sa Majesté.

— En vérité !… répliqua Béchameil pour dire quelque chose.