Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/648

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parfois, quand la brise d’ouest soufflait plus vive, cet harmonieux écho de lointaines fanfares qui souvent vous fit rêver dans les bois.

Il y avait chasse sans doute quelque part dans la forêt de Rennes.

Il était un peu plus de quatre heures du soir. Le ciel roulait de gros nuages qui semblaient peser sur l’atmosphère et l’alourdir. Le soleil ne se montrait point ; mais sa chaleur, tamisée par les nuages, se faisait sentir plus pénétrante. De courtes rafales d’un vent tiède secouaient les branches desséchées des arbres. L’eau tranquille de la Vanvre se noircissait annonçant un orage.

Tout en haut de la route encaissée en forme de ravin, et qui figurait avec la vallée une sorte de croix, deux silhouettes de cavaliers apparurent et se dessinèrent en noir sur le fond terne du ciel.

Ils dépassèrent le sommet de la rampe nord et descendirent le chemin pierreux au petit pas.

L’un de ces cavaliers portait le costume d’un gentilhomme, et sa monture, bien que fatiguée, avait fort belle apparence.

C’était un homme de quarante-cinq ans environ, à la figure spirituelle et riante, à la joue bronzée, qu’entourait comme un cadre la riche abondance d’une chevelure poudrée.

Il avait le front large et ouvert ; ses yeux bruns, autour desquels l’âge ou le sourire avait semé d’innombrables rides ténues et presque imperceptibles, brillaient sous des sourcils dessinés hardiment. Une fine moustache noire se relevait au-dessus de sa bouche légèrement railleuse.

Sa tournure était irréprochable. Il montait fort élégamment son cheval et portait son costume, à la dernière mode, de la meilleure façon.

Pour que les passants ne perdissent rien sans doute de ce séduisant ensemble, il avait plié son manteau de voyage sur li croupe de son cheval.

L’autre voyageur pouvait avoir vingt-deux ans. Il était coiffé du tricorne militaire ; mais à la différence de son compagnon, il avait agrafé son manteau, qui cachait tout le reste de son costume, à l’exception d’une culotte blanche collante sur laquelle se boutonnaient de longues guêtres bleues.

C’était une charmante figure, pensive et résolue à la fois. Quelques boucles de cheveux blonds et poudrés s’échappaient de son tricorne et tombaient sur son front. Ses yeux, d’un bleu obscur, avaient une douceur rêveuse qui se voilait en y moment de tristesse. Sa bouche était loin de sourire comme celle de son compagnon.

Ses traits avaient une régularité sévère, et son regard seul tempérait la fermeté grave qui était le caractère saillant de sa physionomie.

Il montait un maigre cheval qui s’en allait bronchant et la tête entre les jambes.

À mi-côte, le gentilhomme arrêta sa monture et tira son mouchoir pour secouer la poussière qui couvrait son jabot de dentelle et sa veste de velours.

— Mon compagnon, dit-il, me voici au terme de mon voyage… Assurément, j’aurais voulu jouir plus longtemps d’une société aussi aimable que la vôtre, mais