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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/698

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de la politique du ministère était en Bretagne, Vignerot-Duplessis-Richelieu, duc d’Aiguillon…

Celui-ci avait le titre de lieutenant général. Il était particulièrement odieux aux trois quarts de la province.

Le duc de Fitz-James et le maréchal comte de Goyon se tenaient prêts à jeter leur épée dans la balance, pour peu que cela parût plaire au ministre Saint-Florentin ou à son délégué.

La conspiration de Cellamare, dont les chefs étaient les fils de Louis XIV avait laissé dans l’ouest de la France de sourds levains de rébellion ; mais il n’est pas besoin d’aller chercher si loin les motifs de l’émotion qui fermentait alors en Bretagne.

La question des jésuites venait d’être jugée. Le parlement breton, sur les réquisitions du procureur général de La Chalotais, avait prononcé la dissolution de la société de Jésus dans le ressort de la cour. — On sait les querelles passionnées qui s’ensuivirent. M. de La Chalotais, captif, puis exilé pour une lutte de hiérarchie, eut la consolation de se poser en victime du clergé.

Il eut l’approbation de Voltaire. — Mais ces choses sont bien loin de nous pour les juger avec les formules de l’enthousiasme ou de l’amertume.

Certes, l’époque où nous vivons est suffisamment bavarde, et la quantité de prose imprimée tous les jours a de quoi défrayer les lecteurs les plus gourmands. Néanmoins, on ne peut calculer sans surprise l’énorme quantité de libelles qui tomba vers ce temps comme une noire avalanche sur la bonne ville de Rennes. Ce fut un débordement inouï. On se railla, on se mordit, on s’injuria : il y eut des pamphlets pour la France, des pamphlets pour les membres du parlement restés en exercice et pour les membres destitués, des pamphlets pour les jésuites, contre les jésuites, des pamphlets sur tout et contre tout !

L’encre coulait à flots ; les oies n’avaient pas assez de plumes. — Si bien que l’illustre procureur général La Chalotais écrivit un mémoire, fort éloquent du reste, avec un cure-dent[1].

Plus récemment encore, le contre-coup de la protestation des princes du sang contre le parlement Maupeou s’était fait ressentir en Bretagne. Des mécontents avaient pris cette occasion de s’insurger contre l’impôt. Il y avait eu un commencement de révolte dans le pays de Rennes, précisément vers l’époque où Laure de Carhoat fuyait la maison paternelle, en compagnie du chevalier de Kérizat.

Le château de Monsieur de Presmes, qui se trouvait sur la route de Paris, et dont l’intendant royal avait fait souvent une étape pour les fonds qu’il envoyait au trésor, avait notamment soutenu un véritable siège, — siège nocturne dirigé par de mystérieux soldats qui n’avaient pu vaincre, mais dont l’effort avait laissé de nombreuses traces sur les murailles du vieil édifice.

  1. Dans la prison de Saint-Malo. — À part le mérite de l’œuvre, cette circonstance du cure-dent donna un succès de vogue au mémoire.