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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/758

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au fronton de laquelle on voyait encore, à demi effacé, l’écusson ducal de Bretagne.

C’était l’ancien hôtel de M. d’Avaugour, cadet de la famille autrefois souveraine.

L’architecture extérieure, comme celle de presque tous les vieux hôtels de Rennes, avait un médiocre caractère ; mais à l’intérieur, les salles y étaient vastes et belles.

Quelqu’un de ces habiles peintres de Bretagne auxquels l’indifférence apathique de nos aïeux n’a point laissé de nom avait mis des scènes chevaleresques aux caissons sculptés des plafonds.

Il n’y avait point de dorures aux boiseries, mais un ciseau hardi avait découpé les panneaux, et quelques portraits oubliés dans leurs cadres sévères donnaient à ces salles l’ornement qu’il leur fallait.

Elles semblaient inhabitées.

Pour trouver le mouvement et la vie, il fallait pénétrer dans l’aile droite de l’hôtel qui donnait sur de grands jardins rejoignant la rue Corbin, et d’où la vue s’échappait le long de la riante vallée de la Vilaine, jusqu’à la ceinture des collines microscopiques qui est comme le rebord du bassin où la ville est assise.

Ici la scène changeait complètement. Plus de souvenirs des vieux âges, plus de poussière antique. — Tout était jeune, brillant et luxueux.

Vous vous seriez cru à Paris, dans la coquette demeure d’une duchesse à la mode.

En ce temps-là, Rennes ne suivait point Paris de très-près. Ce petit palais était réellement en avance de quelque cinquante ans sur le reste de la ville.

C’était le luxe charmant et un peu chargé de la moitié du dix-huitième siècle. On y eût trouvé de ces meubles, gracieux bizarrement, et fantastiques sans hardiesse que la vogue nous a imposés de nouveau depuis l’année dernière.

Tout l’âge de Pompadour était dans ce réduit mignon. Les tableaux étaient signés Watteau, Vanloo, Boucher. On enfonçait dans l’élastique duvet des causeuses ; c’étaient des bergers qui soutenaient les bougies ; c’étaient des amours qui portaient le cadran des pendules.

La dernière pièce de l’hôtel était disposée en boudoir et s’ouvrait sur une terrasse qui dominait les grands jardins, la vallée et le rempart, jusqu’à l’hôtel des Gentilshommes, que venait de fonder M. l’abbé de Kergus.

Il y avait sur le sopha, en face des fenêtres, une femme demi-couchée qui jouait avec un médaillon et qui songeait.

Cette femme était vêtue d’une robe d’étoffe moelleuse qui n’était point ajustée, mais dont le poids dessinait des formes magnifiques.

Elle était grande ; sa pose abandonnée avait de gracieuses paresses.

L’agrafe de sa robe, détachée, laissait voir des épaules admirables où ruisselaient abondamment les spirales lourdes d’une opulente chevelure blonde.

Il y avait une douceur infinie et un charme sans rival dans le jeu de sa belle