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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/776

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— Adieu, messieurs, dit-elle en le confondant dans le congé commun.

M. le lieutenant de roi fit choix de son plus gracieux salut, afin de ne point laisser paraître son désappointement. Il alla, faut-il croire, prendre sa place au conseil retardé.

La cavalcade se dispersa.

Laure descendit de cheval et gagna son boudoir.

Elle se laissa tomber sur le sopha.

Une pâleur mortelle avait remplacé les vives couleurs qui, naguère, animaient sa joue.

Une tristesse morne et découragée avait chassé son sourire.

Elle demeura quelques minutes affaissée sur les coussins de son sopha, et ne répondant point aux tendres questions d’Aline, qui s’agenouillait auprès d’elle.

La représentation était finie. Elle n’avait plus besoin de se contraindre.

Un domestique ouvrit en ce moment la porte du boudoir.

— Une lettre pour madame, dit-il.

Aline s’élança, prit la lettre et vint la présenter à sa maîtresse.

Celle-ci fut plusieurs minutes avant de daigner y jeter les yeux.

Mais, dès que son regard se fut porté sur l’adresse, une vive rougeur colora sa joue ; elle saisit la lettre en poussant un cri de joie.

L’enveloppe brisée tomba. — Les mains tremblantes de Laure ne pouvaient réussir à défaire les plis du papier.

Elle voulait lire, et ses yeux troublés ne voyaient point.

— C’est de lui, murmura la petite Aline, qui se sentait aussi trembler.

Laure approcha enfin de ses yeux la lettre dépliée.

Elle déchiffra enfin les mots un à un. — Des larmes tombèrent sur le papier.

— Il va venir, dit-elle. — Il vient !…

Elle baisa la lettre avec passion.

— Il m’aime, reprit-elle. — Oh ! Aline, si tu savais comme il m’aime !…

Son beau visage rayonnait d’allégresse et de passion exaltée. Les larmes se séchaient sous sa paupière qui brûlait.

Aline la regardait inquiète et attendrie.

Laure reprit la lettre pour la relire.

Et tout en lisant, elle disait :

— Mais c’est ce soir ce soir même qu’il arrive !… Mon Dieu, je ne veux pas mourir de joie !

Elle joignit les mains et leva ses yeux au ciel avec une ardente gratitude.

Puis elle bondit sur ses pieds et s’élança vers la pendule.

— Six heures ! dit-elle. — Dans quelques minutes je vais le revoir.