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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/785

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ment de dessous un masque, — n’esssayez pas de résister à de braves garçons qui ne veulent que votre bien… ne bougez pas. Laissez-nous déboucler votre valise, et vous arriverez à Rennes sain et gaillard comme si vous n’aviez point rencontré de Loups sur votre route.

M. de Talhoët était un homme de fier courage qui avait vu le danger souvent et qui était fait aux aventures.

— Ce que contient ma valise n’est point à moi, répondit-il. — Les Loups étaient autrefois de braves cœurs, dit-on… si vous êtes des Bretons, livrez-moi passage.

— Quant à être Bretons, répliqua le vieux Carhoat, — cela ne fait pas l’ombre d’un doute… Nous sommes Bretons de la vieille roche… et nous avons besoin d’argent pour nous refaire un duc et le mettre en son palais à Nantes ou à Rennes comme c’est notre droit… Qui sait, Talhoët, si notre choix ne tombera pas sur vous… vous êtes bon gentilhomme, vous pourriez bien être duc quelque jour !

Quatre éclats de rire contenus murmurèrent dans la nuit.

Laurent et Phihppe, aidés par Francin Renard, s’ingéniaient à couper tout doucement par derrière les courroies de la valise.

— Et quand vous serez duc une fois, Talhoët, reprit le chevalier de Briant qui fit une tentative adroite mais infructueuse pour lui arracher son épée, — du diable si vous ne nous donnez pas de bonnes places autour de votre altesse.

— Je veux être grand écuyer, dit Laurent.

— Moi, grand bouteiller, ajouta Prégent.

— Moi, connétable, reprit Philippe.

— Moi, dit Kérizat, je me contenterai de la charge de premier gentilhomme de son altesse.

— Je demande formellement la vénerie, dit à son tour le vieux Carhoat. — Et je présente humblement requête à cette fin que notre seigneur, le duc Amaury, nomme Francin palefrenier des bêtes malades et Noton fille d’honneur de la duchesse.

Les rires redoublèrent. Talhoët donna de l’éperon à son cheval, qui fit un saut de côté.

— Allons, enfants, allons ! dit le vieux marquis ; — c’est assez rire… Jouons des dents comme de bons Loups !

Cinq des assaillants s’élancèrent à la fois, et l’on entendit durant quelques secondes le cliquetis du fer.

Francin Renard était occupé à contenir le domestique, sur la poitrine duquel il s’était assis tranquillement.

L’obscurité était complète, mais Talhoët et ses adversaires avaient l’œil fait maintenant aux ténèbres ; ils se voyaient.

Talhoët se défendait vaillamment et sans trop de désavantage, parce que les assaillants le ménageaient. Les jeunes Carhoat avaient déjà reçu quelques horions qui lassaient leur patience et leur donnaient bonne envie de mettre fin tout d’un coup à la lutte.