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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/80

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souffert, il souffrait encore d’une blessure pareille ; une tyrannie semblable pesait sur lui et il s’essayait à la révolte.

— Il ne faut pas me dire, poursuivit l’agent de change en attirant la main de Sara sur sa poitrine, que ce voyage me sera nuisible… C’est Paris qui me tue !… Je le sais et je le sens… J’ai encore de la force, dès que cette main de fer, qui broie mon âme, vient à la laisser en repos… Quand partons-nous ?

— Il faudrait savoir… commença Saulnier, qui n’osait pas se prononcer contre l’expérience de son collègue.

Laurens fit un geste impatient et colère.

Petite eut un beau mouvement de comédie.

— Calmez-vous, mon ami, dit-elle avec douceur ; M. Saulnier a raison… Le docteur Mira nous est tout dévoué, vous le savez, et nous devons avoir foi en sa science… Si véritablement ce voyage…

— Je crois… interrompit une troisième fois le Portugais d’un accent toujours sec et péremptoire.

Avant qu’il eût achevé sa pensée. Petite se tourna vers lui sans empressement et de la façon la plus naturelle ; mais quand elle fut tournée, son visage prit cette expression effrayante que nous lui avons vue déjà plusieurs fois ; ses lèvres blanches tremblaient ; ses yeux avaient un éclat fixe et froid qui glaçait.

Mira essaya de soutenir son regard ; mais, au bout d’une seconde, les paupières du Portugais battirent comme si un rayon trop vif les eût frappées ; ses mains s’agitèrent au hasard, cherchant une contenance.

Il changea de position sur son fauteuil ; il toussa, il demanda secours à sa large boîte d’or qu’il savait ouvrir d’un air si doctoral.

Rien n’y faisait, un trouble évident et insurmontable remplaçait sa roide impassibilité.

Et pourtant ses yeux restaient fixés malgré lui sur Petite.

La bouche de celle-ci s’ouvrit et figura, sans produire aucun son perceptible, ces trois mots :

— Je le veux !

Puis elle se retourna, sans attendre la réponse du Portugais.

Il y eut un silence d’une demi-seconde ; puis le docteur José Mira, re-