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Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/116

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eut une cruche de vin du roi. Il était temps : sa sagesse commençait à faiblir. Heureusement que le vin était bon et qu’il en but une bonne lampée, ce qui, joint aux libations de la soirée, le tint en cet état de solide philosophie où sa fille Mélise aimait tant le voir.

Aussitôt que les valets furent sortis, le More, laissant là sa boîte et le reste, s’élança vers une large porte, recouverte d’une draperie, et derrière laquelle on entendait un incessant murmure.

Mitraille ne songeait ni à le suivre ni à l’épier : il avait sa cruche.

Don Estéban était très pâle en ce moment, et sa respiration s’embarrassait dans sa gorge. Il souleva son voile. Sa figure, remarquablement belle, mais d’ordinaire immobile comme un masque de bronze, exprimait une profonde émotion.

— Quinze ans ! murmura-t-il ; quinze ans !

Et il se pencha jusqu’à mettre son œil à la serrure de la porte.

Il resta là longtemps. La chambre voisine était le salon de la reine que la partie intime de la cour, c’est-à-dire la faction composée des anciens ennemis de Richelieu, remplissait en ce moment.

D’abord, don Estéban ne vit point ce qu’il cherchait.

Un large cercle où tout le monde, gentilshommes et dames, portait le deuil d’étiquette, s’arrondissait devant lui.

Quand il eut parcouru du regard cette assemblée où la morne uniformité des parures n’empê-