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Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/305

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muette ; priez, Pol, mon mari, afin que je vous rejoigne auprès de Dieu.

Elle se tut, continuant son oraison au-dedans d’elle-même.

Une grande clameur qui venait d’en bas la releva tremblante sur ses pieds.

— Ah ! fit-elle en plongeant sa main sous le revers de sa robe, je n’ai pas beaucoup de temps devant moi.

La pendule de la chambre du deuil marquait douze minutes avant neuf heures ; madame Éliane tira de son sein un petit flacon en cristal taillé, dont le bouchon était recouvert par une capsule d’or.

— J’ai acheté cela de maître Mathieu Barnabi, pensa-t-elle tout haut, le jour où M. de Saint-Venant m’a dit qu’il voulait ma fille. En me le vendant un prix qui aurait payé un diamant, il me dit : « Madame la comtesse, voici qui est plus rapide que le poignard ! cela foudroie ! »

Elle mit la transparence du cristal entre elle et la lumière faible qui filtrait à travers les draperies des croisées. Pour un instant le silence semblait s’être rétabli à l’étage inférieur.

Madame Éliane ne pouvait deviner les motifs de ce silence commandé par la solennité du moment. Le tribunal d’enquête, constitué selon les formes, et assisté d’un luxe inusité de personnages judiciaires, venait de se montrer à la foule. Le président, délégué par le Parlement de Grenoble, avait paru au seuil de la grande salle, entouré de ses conseillers et assesseurs, et avait prononcé un discours pour inviter l’assistance à l’ordre et au recueillement,