Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/108

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après l’affaire de Venise… N° 103, pour la même affaire, deux bank-notes de quatre mille livres… N° 104…

Bobby se jeta sur le portefeuille, l’arracha des mains de William et la foula aux pieds furieusement.

— Nous avions des millions, pleura le grand qui s’affaissa en une sorte de folie ; des millions, des millions, des millions !…

— Des millions ! des millions ! des millions ! répéta le petit en grinçant les dents comme un tigre.

Ils se regardèrent encore.

— Tuons-nous, dit Bobby froidement.

William prit le bol de punch à deux mains et but le restant d’une seule lampée. Puis il se redressa de toute la hauteur de sa grande taille et dit, lui aussi :

— Tuons-nous !

Mais Bobby avait déjà repoussé du pied son poignard. Il arpentait la chambre à grands pas. William se laissa retomber sur un siège. Il y eut un long silence.

— Frère, reprit enfin le petit, tu l’as dit tout à l’heure, nous avons souvent risqué notre vie pour quelques louis.

— As-tu un plan ? répliqua William, dont l’œil était maintenant calme et clair.

— De deux choses l’une, frère : ou le missel est sur le gazon à l’endroit où il est tombé, ou quelqu’un des hôtes de l’archevêque se l’est approprié.

— C’est juste.

— Il ne faut pas oublier en ce cas que le missel ferme au moyen d’un secret qui défie l’habileté du serrurier le plus habile.

— J’y songeais.

— Nous avons deux parties à jouer : une au salon de verdure, l’autre dans la chambre à coucher de celui — quel qu’il soit — qui a eu le malheur de trouver le missel.

Ils se prirent par la main et dirent ensemble tout bas :

— Celui-là est un homme mort !