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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/13

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Et tout le monde à la fois :

— Monseigneur ! monseigneur, votre histoire !

Au lieu d’exaucer la prière générale, l’évêque d’Hermopolis garda le silence. Puis, d’une voix contenue et dont l’intonation changée fit battre plus d’un cœur dans l’auditoire, il demanda brusquement.

— Est-ce que vous n’êtes pas ici, monsieur d’Altenheimer ?

Il y eut un autre silence. La lune montrait la moitié de son disque entre deux nuages tempétueux, opaques et lourds comme des lingots de plomb. La princesse appela auprès d’elle son fils le marquis.

— Si fait, répondit enfin une voix de basse-taille, profonde et toute pleine de métalliques vibrations ; je suis ici, monseigneur.

On ne voyait pas celui qui parlait ainsi. Sa voix semblait sortir du tronc d’un gros orme mort dont les branches sans feuilles prenaient, aux brusques clartés de la lune, des formes fantastiques.

— Approchez, je vous prie, baron, reprit Sa Grandeur (qui était aussi Son Excellence) et dites-nous, pour employer la formule de Galland, une de ces histoires que vous contez si bien.

Un homme de stature haute et grêle se montra aussitôt au milieu du cercle. La princesse, en sa qualité d’esprit fort, eût juré qu’il était sorti de terre, tant son apparition avait été soudaine. Elle eut toutes les peines du monde à ne pas renouveler sa motion de faire retraite vers le château.

La lueur de la lune tombait d’aplomb sur le nouveau venu, et il est de fait que chacun trouva dans sa personne quelque chose d’extraordinaire. C’était peut-être aussi le résultat de la prédisposition générale.

Nul ne le connaissait ; on ne l’avait point vu au dîner. Il était de ceux qu’on avait invités pour la