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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/133

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XIV

le grand et le petit


Une année avait passé. Septembre était revenu. Là-bas à l’est de Paris, vers le confluent de la Marne et la Seine, le soleil d’un jour orageux regardait la campagne plate, où fumaient peut-être deux ou trois usines de plus. Les trains de bois et les bateaux, chargés de barriques, descendant tristement le fleuve, s’en allant vers ce Bercy, lugubre comme un cellier, mais qui contient pourtant, en fûts et en bouteilles, tant de romans mal venus, tant de vaudevilles mal vêtus, tant de chansons mal rimées en l’honneur du dieu d’Yvetot, des coups de poing et des coups de couteau, de l’esprit, de la sottise, des rires et des larmes, de la vieillesse pour les enfants, de la jeunesse pour les vieillards, des extravagances pour tout le monde ; de la joie, vraie ou fausse, sincère ou frelatée de la joie de carnaval, cette folie chronique qui est la végétation du polype parisien.

Jean Raisin a détrôné Bacchus, qui était un dieu trop gentilhomme. J’ai eu ce cauchemar une nuit, de voir Homère revivre avec des bourgeons écarlates au bout du nez. Je lui demandai des nouvelles d’Achille, d’Hector et d’Agamemnon ; il me chanta la Marseillaise. C’est le côté repoussant de notre siècle, cette odeur effrontée du mauvais vin, qui fait école, mêlée à l’ignoble méphitisme des tabagies politiques.