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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/158

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— Cela se trouve à merveille ! s’écria M. de Vauduy.

— À merveille, en effet ! répéta Saulnier, Puis-je savoir…

— C’est une chose bien simple. Jean Brand, que voilà, est obligé de s’absenter ; moi-même, je suis sur le point d’entreprendre un voyage qui sera fort long peut-être.

— Ah ! fit encore Saulnier, dont un sarcastique sourire releva la lèvre.

— Et je voulais vous prier, continua M. de Vauduy de prendre chez vous, pendant notre absence…

— La jeune citoyenne Marie, n’est-ce pas ? interrompit le docteur.

— Mademoiselle Marie, dit Brand, avec emphase.

— Vous avez deviné, cher docteur, il s’agit de Marie Brand ; à laquelle je m’intéresse… plus que je ne puis dire.

— Citoyen, répondit Saulnier avec sécheresse, je, suis forcé de vous refuser, et vous comprendrez mes motifs. Moi-même, je compte partir ce soir, je venais vous prier de donner asile à ma fille jusqu’à mon retour. Jean Brand traversa lentement la salle et vint se placer en face du docteur.

C’était un personnage assez remarquable que ce Jean Brand, et il mérite une description particulière. Sa taille était de beaucoup au-dessous de la moyenne, mais elle gagnait en largeur ce qu’elle perdait en longueur. Sa carrure eût fait honneur à un homme de six pieds, et son torse, supporté par de courtes jambes, de forme peu académique, était un modèle parfait de force musculaire. D’habitude, il tenait les yeux baissés, et sa tête se penchait sur son épaule dans une attitude de nonchalante apathie ; mais quand une passion soudainement excitée roidissait ses muscles, son cou se redressait et devenait de bronze ; les veines de son front se gonflaient, ses yeux fauves lançaient un éclair sombre et perçant à la fois. En ces instants, sa phy-