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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/160

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— Pas de sang ! s’écria l’homme au manteau, qui se précipita entre eux et les sépara. Monsieur Brand pourquoi cette violence ? Donnez-moi vos armes, Saulnier ; je vous engage ma parole qu’il ne vous sera point fait de mal.

Celui qui parlait ainsi releva son chapeau à ces mots, et tendit la main au docteur.

— L’abbé de Kernas ! murmura celui-ci ; j’aurais dû m’en douter ! Je suis dans un repaire de Chouans.

— Ami, répondit le prêtre, vous êtes en effet, entre un serviteur de Dieu et un défenseur du trône : à cause de cela, vous êtes en sûreté.

Il fit un geste, et Jean Brand remit ses pistolets à sa ceinture.

Vauduy était resté spectateur impassible de cette scène.

— Ce diable de Brand, dit-il alors, a des façons d’agir tout à fait extraordinaires ; il ne sait pas dire deux mots sans brûler une cartouche. Mon cher Saulnier, je vous demande pardon de ce qui arrive, mais ce que vous a dit Brand est la vérité ; vous êtes son prisonnier.

— Comment ! vous aussi !

— Moi plus que personne, poursuivit Vauduy. Je n’ai pas changé d’état ; je suis, comme autrefois, le serviteur de la maison de Rieux ; rien de plus.

— Mais de quel droit…

— Permettez. Le droit est positif ; Brand a prononcé un mot fâcheux, mais juste ; vous faites, parmi nous, le métier d’espion, mon très cher Saulnier.

Celui-ci voulut se récrier.

— Permettez, poursuivit M. de Vauduy avec la même froideur ; vous êtes un honnête homme, je le crois, et je vais vous en donner bientôt une preuve ; mais il n’en est pas moins vrai que vous comptiez partir ce soir pour Redon, afin de dénoncer…