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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/163

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du trône et de l’autel. Est-ce un complot que vous tramiez contre moi, Messieurs ?

— Mademoiselle, dit Vauduy, si c’est un crime d’avoir voulu mettre à l’abri votre précieuse personne…

— Est-ce donc la fille d’un roi ? se demanda Saulnier.

Et, en effet, à voir le geste impérieux et la pose pleine de majesté de cette enfant de treize ans, devant laquelle s’inclinaient les trois hommes, une pareille question était permise. Si Marie n’était pas de race royale, du moins devait-elle être d’une bien illustre naissance, pour que son caprice fût ainsi accueilli par le respect et l’humilité.

Le prêtre, néanmoins, parut bientôt se souvenir que son ministère était au-dessus de toute distinction sociale.

— Ma fille, dit-il d’un ton ferme, vous êtes bien jeune…

— Qu’importe.

— Peu importe, en effet. Eussiez-vous l’âge d’une femme, votre place ne serait point au milieu des camps. N’est-ce point assez des hommes pour répandre le sang dans cette déplorable querelle ?

Marie écoutait, le front haut ; un sourire impatient et railleur précéda sa réponse.

— Mon père, dit-elle, je suis femme, je le sais ; c’est un malheur. Mais monsieur mon cousin de Rieux, marquis de Sourdéac, est mort en exil, je suis le dernier rejeton de la plus illustre maison de Bretagne, et par la Vierge, ma sainte patronne, je dis : Foin de mon sexe ! et je porte l’épée. Il ne faut pas, voyez-vous, que l’héritage de Rieux tombe en quenouille !

— Bravo ! murmura Jean Brand, dont l’œil rayonna d’enthousiasme.

— Que Dieu ait pitié de vous, ma fille, dit le prêtre, car votre cœur est plein d’orgueil.

Et il se retira lentement.