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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/56

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poursuivit Mgr de Paris. Avez vous remarqué qu’il m’a donné son portefeuille pour Mlle d’Arnheim ?

— J’ai cru voir… Qu’y avait-il dans le portefeuille ?

— Une somme telle que je ne sais s’il n’y a point erreur de sa part… dix billets de mille francs.

— Dix billets de mille francs ! répéta l’évêque d’Hermopolis étonné.

Puis il ajouta d’un ton léger :

— Mais nous ne sommes que des malheureux, en France, et ces Teutons sont riches comme des puits !

L’orchestre préludait attaquant un motet de Lesueur. M. le baron d’Altenheimer garda son attitude froide et gauche pendant les premières mesures, mais lorsque se développa la pensée large et haute du maître français, il sembla que la grande taille du baron se développait en même temps. Sa pose changea, ses reins se cambrèrent, sa poitrine s’élargit, gonflant les plis de son habit noir ; peu à peu, chacun put voir ses yeux s’allumer et entendre ses narines dilatées qui repoussaient un souffle bruyant. Il devint encore une fois le point de mire de l’attention générale et acquit en un instant la réputation d’un fougueux dilettante.

Quand l’orchestre se tut, ses deux mains, fortes et mal gantées, applaudirent avec fracas.

— Mon Dieu ! monseigneur, répondait cependant le préfet de police aux questions de l’archevêque, il n’y a point de chargé d’affaires de Wurtemberg à Paris, en ce moment, et c’est le nonce d’Autriche qui fait l’intérim. J’irai dès demain à l’ambassade. Ces MM. d’Altenheimer me paraissent être des hommes considérables et parfaitement appuyés. Le baron est l’ami très particulier du prince de Metternich : je sais cela par M. le prince de Talleyrand… Et quant à la sincérité de leur mission, le doute ne m’est malheureusement pas permis. Les frères Ténèbre sont des malfaiteurs de l’espèce la plus dangereuse et nous avons le terrible honneur de les