Aller au contenu

Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et je n’avais pas honte parce que la main par laquelle Dieu nous envoyait sa manne m’était peut-être déjà chère.

— Merci, murmura Gaston, les yeux humides.

— Mais qu’espérais-tu ? qu’espérais-tu, malheureuse enfant ? s’écria le vieillard avec angoisse.

Mlle d’Arnheim releva vers le ciel son regard et répondit :

— Mon père, j’espérais en Dieu.

Il y eut un silence. Monsignor Bénédict chantait toujours ses gentilles choses d’Italie. M. d’Arnheim regarda Gaston en face, puis il lui tendit la main.

— Chrétien Baszin, prince Jacobyi, comme vous l’appelez et comme il se nommait en effet autrefois, vous est redevable, monsieur le marquis, prononça-t-il avec lenteur. Il voit en vous un noble et généreux jeune homme. Peut-être même eût-il été flatté de votre recherche au temps de son bonheur ; mais il n’ignore pas que la maison de Montfort est une des plus riches de France. Chrétien Baszin ne permettra jamais que sa fille entre dans quelque famille que ce soit, sinon par la porte grande ouverte : il ne possède plus rien que sa fierté. Que Mme la princesse de Montfort vienne chercher elle-même la princesse Jacobyi, si c’est en effet le sort, et que Dieu veuille bénir l’union de deux grandes races !

— Cela se doit et cela se fera, répondit Gaston sans hésiter : prince, je prends votre parole.

Quelle était, cependant, cette cousine Émerance dont Mme la princesse parlait trop souvent à Gaston ? M. le marquis ne s’avançait-il pas beaucoup pour un jeune homme timide ? Nous ne savons, en vérité, si sa mère eût été heureuse ou désolée de l’entendre.

Il serra la main de M. d’Arnheim et prit respectueusement la main de la jeune fille. C’étaient comme des fiançailles conditionnelles. Puis, se soulevant et d’un ton bref :