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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/81

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Mme la duchesse d’Angoulême, en faveur des veuves et des orphelins de la guerre de Grèce : Il nous a mis sa charité sur la gorge !

Ici le thème était aussi actuel et encore plus frappant : il s’agissait de ces tristes familles chrétiennes éparpillées en Palestine et gémissant sous la domination turque. Depuis lors, la guerre d’Orient a fait notre éducation à ce sujet, et personne n’ignore les lamentables barbaries qui, dans la postérité, feront ombre aux lumières dont notre siècle, content de soi, s’attribue le monopole ; mais alors une barrière presque infranchissable était entre l’Europe et ces cris d’agonie, en quelque sorte ; on entendait, ce soir, dans le salon du château de Conflans, leur premier et déchirant écho.

Mgr Frayssinous eut d’abord à lutter contre l’inattention générale, car la fièvre de tous faisait une rude concurrence à sa parole ; mais au bout de quelques minutes, l’inattention était domptée, et vous eussiez vu bientôt tous ces visages, avides d’entendre, penchés vers un centre commun, l’orateur. Toutes ces plaintes jusqu’alors étouffées, tous ces cris que l’on n’avait jamais écoutés, tous ces gémissements arrachés à la longue et intolérable torture se réunissaient en une seule voix pour éclater comme un bruit formé de mille râles au sein de cette assemblée riche, brillante, heureuse, qui se trouvait transportée par un formidable enchantement au milieu des angoisses dont est encore peuplée la terre où Jésus-Christ mourant sua du sang mêlé de larmes.

Le discours ne dura pas longtemps ; quand il fut achevé, il y avait de la sueur à toutes les tempes et des larmes dans tous les yeux.

Mgr d’Hermopolis descendit alors de l’estrade, et l’archevêque de Paris l’embrassa avec effusion, avant de lui remettre la vaste bourse en velours rouge qui devait servir à la quête. Dès les premiers pas, le