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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/86

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Vous voyez que les frères Ténèbre n’avaient qu’à se bien tenir. On leur préparait un accueil digne d’eux !

Pas n’est besoin d’ajouter que l’orchestre et la chanteuse se taisaient.

Il y eut un instant de tumulte inexprimable. Le premier cri de femme en fit naître cent, comme c’est la coutume. Les gens du grand salon s’élançaient dans le petit, les gens du petit revenaient violemment dans le grand. On cherchait, on s’agitait, personne ne voyait rien, mais chacun croyait que d’autres voyaient quelque chose, Au bout de trois minutes, il y avait deux douzaines de dames évanouies.

Et vraiment, ce n’était pas beaucoup. Une autre douzaine y avait regardé à deux fois par respect.

— Ici ! dans le jardin ! cria une voix au dehors. Les voici !

On se précipita aux fenêtres.

— Ici, dans l’escalier ! vociféra une autre voix. Les voilà !

On ferma la porte avec violence.

Des coups de feu se firent entendre au lointain.

On put voir alors M. le baron d’Altenheimer qui boutonnait son vaste frac noir. Il avait la tête haute et le regard brillant. Quand ces Allemands se mettent à avoir du courage…

— Je demande bien pardon, dit-il avec calme ; venez, venez, mon frère Bénédict… Je les aurai ou je mourrai !

Monsignor aussi avait l’air d’un petit héros. Ils gagnèrent tous deux la porte et disparurent au milieu des supplications de ces dames qui les exhortaient à ne point exposer trop témérairement leurs vies.

Qu’allait-il se passer de terrible ?…

Quand ils furent partis, les bruits divers allèrent s’éloignant, puis se turent.

Au bout de trois autres minutes, un silence profond régnait dans le salon du château de Conflans. Personne ne parlait, sauf deux hommes, demi-cachés