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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/88

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Il n’eut pas plutôt mis le pied dans le petit salon qu’il poussa une exclamation de stupeur.

La panique faillit se renouveler, tant étaient peu solides les pauvres nerfs de l’assistance. Mais comme son Excellence, au lieu de reculer, s’était précipité vers la table qui occupait le milieu du petit salon, ces messieurs passèrent le seuil à leur tour et quelques dames suivirent. On entoura Son Excellence qui était devant la table, les bras tombant et la tête baissée.

— Miséricorde ! s’écria Mgr de Quélen en joignant les mains : notre quête ! Notre pauvre belle quête !

Ce fut tout. Il y eut parmi la noble assemblée ce silence d’espèce particulière qui suit les grandes mystifications. La table était nette. On n’y voyait plus un seul des objets contenus naguère dans la bourse de velours rouge.

— Voilà ! dit cependant le préfet de police ; si le ministère de l’intérieur voulait s’entendre avec nos bureaux…

— Eh ! monsieur, interrompit l’archevêque de Paris avec une colère qui avait sa source dans le désappointement même de sa charité, il n’y a pas plus de ministère de l’intérieur dans tout ceci que de légation de Rome à la cour de Vienne ou chancellerie du royaume de Wurtemberg ! Nous avons perdu le bien des pauvres, et nous sommes les victimes d’une effrontée comédie !

— Jouée par des comédiens comme on en voit peu ! fit le docteur Récamier, esprit tranquille et connu pour son impartialité, quand il ne s’agissait point de médecine.

— Un grand… et un petit ! murmura la princesse, répétant cette parole que M. le baron d’Altenheimer avait tant de fois prononcée dans le salon de verdure.

— Ce sont eux ! ce sont eux ! s’écrièrent vingt voix à la fois.

— Le baron est le chevalier Ténèbre…

— Et monsignor est frère Ange, le vampire !