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Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/154

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— Vous en étiez à votre naufrage sur les côtes de la Corse.

— C’est pourtant vrai, fit Reynier, dont le pinceau caressait déjà la toile : J’ai trouvé moyen de prendre passage sur le seul paquebot qui se soit perdu, de mémoire d’homme entre Marseille et Civita-Vecchia ! Quel temps ! miséricorde ! Les tempêtes qui sont dans les tragédies de Crébillon aîné font pitié auprès de celle-là ! Je m’amusai à regarder ce tohu-bohu tant qu’il fit un brin de jour ; mais la nuit tomba vers cinq heures. La dernière chose que j’aperçus fut un vilain nuage noir qu’on me dit être le cap de Porto-Polo, sur la côte sud-ouest de la Corse.

Nous continuâmes de courir comme si le diable nous emportait. Il y eut un craquement à bâbord, et la roue du même côté cessa de battre l’eau. L’officier jura : capedédious ! et voulut faire border une voile pour se guider au vent de l’île, car on avait stoppé la machine, mais cherche ! La toile craqua comme un demi-cent de fouets et se déchira en lambeaux.

Il y avait beaucoup de confusion sur le pont et la mer embarquait si fort que tout le monde s’était mis à plat ventre en s’accrochant des deux mains aux manœuvres.

Je vis deux ou trois lumières sur notre gauche, et instinctivement cela me réjouit le cœur. L’officier dit :