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Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/286

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C’était là une prodigalité, car ce luxe enfouissait un capital énorme ; mais toute royauté a son faste nécessaire, et ce miraculeux amas de richesses pouvait bien payer sa gloire.

Le vieillard avait cessé de parler. Il songeait.

Vincent dévorait des yeux ces richesses que ses rêves les plus extravagants n’auraient pas devinées.

— L’or appelle le sang, murmura le vieillard après un silence, parce qu’il se souvient de son origine ; je défie qu’on trouve un tas d’or un peu haut et un peu large à la base duquel il n’y ait du rouge. L’or qui est là, représente un lac de sang, pourquoi ? parce qu’il y en a assez pour faire une montagne.

Il se redressa et porta de nouveau son regard sur Vincent, absorbé dans l’agonie de sa contemplation.

— Tu ne vois rien, dit-il avec une soudaine emphase. Celui qui posséderait tout ce que tu vois serait un mendiant misérable, auprès du maître des choses que tu ne vois pas. Ceci est l’enveloppe vile qui recouvre le fruit précieux. Fais appel à ton imagination, c’est à dire à ta folie, je gage que ta folie, exagérant le possible et l’impossible aussi, restera à cent lieues de la vérité. On peut mourir après avoir vu ce que tu vas voir. Et regarde moi : Tout ce que tu vas voir m’appartient : Je suis le Maître !

Il semblait avoir grandi, et tel fut l’impérieux accent de sa voix qu’elle rompit la fascination de l’or.

Vincent détourna ses yeux du trésor pour les por-