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Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/322

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étouffer leurs enfants dès le berceau. J’ai laissé fuir autrefois Zorah, la Gitanille, avec la petite créature qui pendait à sa mamelle. J’étais si jeune ! j’avais pitié. La créature doit avoir grandi. Elle est derrière moi maintenant, comme j’étais derrière celui qui gît là sur le plancher.

Tout cela était dit de ce ton froid et réfléchi que prendrait un marchand pour calculer avec lui-même les chances d’une affaire courante, avant de se coucher.

En songeant, Julian roulait une cigarette qu’il alluma à la flamme de la lampe.

Vincent, dont le couteau attaquait de nouveau ses liens, s’arrêta pour la seconde fois en entendant son nom prononcé.

Le comte Julian disait :

— Et ce Vincent Carpentier n’est pas mort ! Et les maîtres de la Merci, les Habits-Noirs qui s’appellent aujourd’hui les Compagnons du Trésor, unis dans leur éternelle conjuration, vont m’entourer, moi, le maître des maîtres, comme des prétoriens révoltés ? Tout n’est pas rose, dans ce premier jour de mon règne. Ceux qui m’ont précédé avaient un talisman : le trésor dont ils possédaient seuls le secret les protégeait comme une armure magique et impénétrable. Moi, je n’ai pas le secret, je n’ai pas le trésor. Cette clé inutile que le Père a mise dans ma main est une dérision…