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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/108

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trophe, mit au monde une fille, notre Edmée, quelques jours après l’arrivée à Paris. Ce fut une fête mouillée de larmes, un sourire qui naissait dans le deuil.

Et pourquoi raconter cette morne histoire de la bataille impossible ? M. Leber n’avait que l’habileté facile des heureux. Il n’était ni assez âpre, ni assez subtil pour faire de rien quelque chose. Il mourut bien vite à la peine.

Lui parti, et il s’en alla le premier, fixant sur ceux qui restaient son regard désespéré, la mort demeura dans la maison. Sa sœur le suivit : une pauvre demoiselle qui ne pouvait se consoler, regrettant son luxe comme on pleure un amour, puis, chose lugubre, à des intervalles presque égaux, les quatre beaux enfants.

Tout cela en trois années. La veuve était de marbre. Edmée, son dernier bien, se coucha. L’intervalle y était : ce devait être son heure. La veuve s’étendit sur le tapis et ferma les yeux ; elle ne voulait rien opposer à la condamnation de Dieu.

Mais une douce petite voix l’appela et lui dit d’avoir courage. La leçon qui vient des enfants porte haut. La pauvre mère se releva pour s’agenouiller. Elle était forte. Ce fut son premier et son dernier découragement.

Edmée vécut. Il y eut à la maison de mélancoliques bonheurs. La veuve avait conservé intacte la pensée de son mari. Faire de sa fille une ouvrière était le plus sûr, et Mme Leber avait assez de sagesse pour comprendre qu’en face d’une situation comme la sienne il ne fallait rien risquer ; mais le travail d’une ouvrière ne sert qu’à vivre.

Si Edmée devenait une grande artiste ! La gloire fait gagner de l’argent ; Mme Leber eut ce rêve de la