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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/149

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le vieillard d’un ton patelin, en ouvrant à demi ses yeux presque aveugles.

— Non, c’est moi, grand-père, » répondit tout bas la jeune femme.

Il parut assembler ses pensées avec peine et dit :

« Ah ! oui… c’est vrai… ma petite Fanchette, qui aime bien son grand-papa ! »

Puis il ajouta entre ses dents :

« Madame la comtesse Bozzo-Corona ! »

La jeune femme eut un sourire amer et demanda :

« Grand-père, n’avez-vous rien à me dire ? »

Pour la première fois, le vieillard fit un mouvement. Ses mains décharnées essayèrent de se crisper sur les plis de ses draps, comme pour se retenir à quelque chose. Ce geste instinctif, symptôme de la suprême détresse, effraye toujours ceux qui ne sont pas habitués à voir de près la mort. La comtesse tourna la tête en frémissant.

« Si fait, si fait ! prononça laborieusement le malade, j’ai bien des choses à te dire… et la force ne me manque pas encore. Comme je résiste ! Et ne crois pas que je souffre beaucoup, non, cela s’éteint en moi sans secousse. J’ai vécu sagement, j’en ai eu le bénéfice. Il y a des moments où je me figure que je durerai longtemps encore… À présent, par exemple, on dirait que le sang se réchauffe dans mes veines. Je t’aimais bien, fillette. Quand tu étais enfant, je faisais tout ce que tu voulais. J’aurais dû t’élever loin de moi… en dehors de notre atmosphère ; tu ne saurais rien ; tu serais riche et heureuse… et femme d’honnête homme.

— Que n’avez-vous fait cela ! murmura la comtesse dont les grands yeux jetaient un feu sombre.

— Certes, certes ! poursuivit le colonel. Mais ta