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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/153

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« C’est votre confesseur. »

Elle crut qu’il allait se soulever tout droit sur son séant, tant cette réponse le frappa violemment. Sa tête quitta l’oreiller, mais elle y retomba aussitôt.

« Ont-ils fait cela ? dit-il, étouffé par l’indignation. Ont-ils risqué mon salut éternel ? »

La comtesse le contemplait, stupéfaite, et songeait :

« Il pensait donc, en vérité, tromper Dieu !

— Ont-ils fait cela ? continuait le vieillard dont la voix faiblissait à mesure que croissait sa colère. Ont-ils profané la sainte robe ? Il n’y a qu’un crime sans pardon : c’est le sacrilège ! M’ont-ils fourré dans un sacrilège ? Deux sacrilèges peut-être, car celle qui veille ici près, est-ce une sœur pour tout de bon ? Ah ! les coquins maudits ! ah ! les misérables ! Ce duc ! un débauché sans cœur ! Ce lord, un pick-pocket ; ce docteur un faux savant ! Ce comte enfin, ton mari, un vrai bandit ! Vois-tu… vois-tu que j’ai bien fait de ne pas tout dire au prêtre. Le secret me reste. Dieu est bon ! Dieu est juste. J’ai toujours cru en Dieu, je l’atteste !

— Il y a donc un secret ? » interrogea la jeune femme avec une irrésistible avidité.

La colère du colonel tomba et son regard morne enveloppa la comtesse.

« Oui, fit-il avec une emphase où perçait le sarcasme ; il y a un secret. N’as-tu jamais entendu prononcer le nom que je portais, quand je marchais à la tête de toutes les Camorres ?

— Si fait, répondit la comtesse.

— Ce nom sonnait haut ! reprit le vieillard. On ne l’écrira pas sur ma tombe. Et n’as-tu jamais ouï parler du scapulaire de la Merci ? »

La jeune femme resta muette, mais ses yeux ardents suppliaient.