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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/155

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C’était peut-être l’effet de la potion. Un peu de sang revenait aux pommettes de ses joues hâves. Il sembla écouter tout à coup un bruit qui ne parvenait point aux oreilles de sa compagne ; ses yeux, qui retrouvaient des rayons, firent le tour de la chambre et s’arrêtèrent successivement sur les trois portes fermées, d’abord, puis sur les fenêtres.

« Ils ne sont plus à table, » dit-il.

Et, comme la comtesse l’interrogeait dû regard, il ajouta : « Va voir. »

Elle obéit aussitôt. Pendant son absence, la sœur, qui veillait dans la chambre voisine, vint au seuil et glissa jusqu’au lit un regard attentif. Le malade la guettait entre ses paupières demi-closes.

Quand la comtesse fut de retour, elle reprit place auprès du lit et dit tout bas :

« Ils sont partis. »

Le malade lui fit signe d’approcher. Ses lèvres crispées ébauchaient un amer sourire. Il dit rapidement et très distinctement :

« Ils sont là… je les sens… je les vois au travers des portes ; chacun de ces battants cache un carnassier à l’affût ; la fenêtre aussi. J’ai entendu marcher sur le balcon. Ne bouge pas… ne regarde pas… je les connais : s’ils savaient ce que ma bouche dit à ton oreille, ils te tueraient ! »

Elle les connaissait aussi, car un frémissement parcourut ses veines.

« Ils ont essayé de se tromper les uns les autres, poursuivit le vieillard. C’est leur instinct. L’association, entre eux, est un combat de toutes les heures. Sans cela, il n’y aurait point de bornes à leur puissance. Chacun d’eux s’est éloigné ouvertement pour revenir à pas de loup. Ils flairent ma fin…