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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/170

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Il y a agence et agence. On manigance tout dans notre arcadienne forêt, depuis l’amour, ce bien suprême ! comme dit le théâtre Lyrique, jusqu’aux billets des loteries autorisées, depuis le bonheur conjugal jusqu’aux décorations étrangères, depuis le droit au travail mal rétribué jusqu’à la gloire impérissable. L’agence est, dans toute la rigueur du terme, un microcosme ; on y tient tout, et ce qui fait son charme incomparable, c’est qu’elle ne s’étonne d’aucune demande, tant saugrenue que vous la puissiez rêver. Il se trouve pourtant des agences spécialistes, comme certains sorciers ne s’occupent que des objets volés. Ce n’est pas à la légère que le mot sorcier est ici prononcé. L’agence est de soi une chose romanesque qui chatouille l’imagination au même titre que l’art de tirer les cartes ou le somnambulisme. Le chiromancien, maître de ce cabinet, inspire une confiance sui generis, et telle qu’on ne lui demande même pas son programmé. Mettre le pied sur le seuil d’une telle maison c’est déjà une équipée ; or, toute équipée engage et entraîne. Ces MM. Lecoq le savent bien ; ils spéculent formellement là-dessus.

Si vous avez beaucoup, mais beaucoup de talent, une grande souplesse d’esprit, une volonté forte, de l’imagination, de la finesse, de l’entregent, de l’acquis, du sang-froid, de l’éloquence, l’usage des différents mondes, la meilleure opinion de vous-même, une teinture suffisante des roueries commerciales et industrielles, une triture approfondie des gentillesses de la chicane, bon ton à la rigueur, mauvais ton quand il le faut, robuste estomac, tête solide, conscience vaste, courage au travail et le mot pour rire ; si, en un mot, vous êtes absolument supérieur à vos contemporains ; si, néanmoins, vous n’avez voulu ou pu être ni secrétaire général, ni agréé, ni professeur en Sorbonne, ni gendarme, ni di-