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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/174

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règne de Louis-Philippe, par exemple, le sujet appartenait à l’opposition dynastique ou à l’opinion doctrinaire. Ce talent ne lui rapporte rien.

M. Lecoq était très énergiquement de cette année 1842. À cet égard, il portait son millésime aussi bien marqué que celui de la dernière pièce de cent sous, frappée à la monnaie. M. le marquis de Gaillardbois n’offrait pas, en sa personne, des diagnostics aussi certains : c’était un écu composite et magnifiquement retouché. Il y avait en lui plus de fantaisie : deux ou trois époques se mariaient dans ce remarquable échantillon de l’homme de talents, sans préjugés, que ses besoins trop vifs empêchent de réussir. Il était de qualité, cela se voyait ; il était du monde aussi, malgré ce lieu douteux où nous le rencontrons ; l’abandon exagéré qu’il affectait ne cachait pas entièrement une sincère distinction de manières que les façons de M. Lecoq faisaient encore mieux ressortir. Il n’y avait pas jusqu’à sa mise élégante et simple qui ne trahît un niveau supérieur.

Un dernier trait : les yeux noirs de M. le marquis, hautains, noblement fendus et entourés d’un large cercle d’estompe semblaient avoir, par moments, un irrésistible penchant à la déroute ; — mais il les posait alors d’aplomb et les forçait à soutenir vaillamment le regard.

Au moment où nous entrons dans le sanctuaire, ces messieurs traversaient un de ces repos qui ponctuent les conversations graves, où chacun a besoin de réfléchir. M. Lecoq éloigna sa pipe de ses lèvres en disant :

« J’ai les Habits-Noirs dans ma poche, et quand le préfet voudra, je lui ferai cette petite affaire-là pour pas cher. »

M. le marquis garda le silence et lança au plafond un redoutable nuage.