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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/194

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L’estropié lui tendait deux chiffons de papier. Il se leva pour les aller prendre.

« Oui, dit Trois-Pattes, il est bon qu’ils attendent, mais il est bon aussi que vous sachiez ce que vous avez à leur dire, et vous trouverez ça dans mon rapport. »

M. Lecoq ne répliqua point. Il examinait les deux billets de banque avec une minutieuse attention.

« Lequel est le vrai ? demanda-t-il. Fais toujours ton rapport, bonhomme. »

Il mit dans son œil une petite loupe d’horloger et se rapprocha de la lampe. Pendant cet examen, la prunelle de Trois-Pattes se prit à jeter des lueurs.

« En arrivant, dit-il, j’ai trouvé la jeune Edmée Leber à la porte du château.

— Pourquoi mentionnes-tu cela !

— Vous allez voir. M. Schwartz m’a reçu, et, de son côté, Mme Schwartz a reçu la jeune Edmée Leber.

— Tu as une drôle de voix en prononçant ce nom-là, bonhomme ! fit M. Lecoq sans quitter des yeux les billets de banque ; « la jeune Edmée Leber… »

— Je n’ai pas le cœur paralysé, répliqua Trois-Pattes. Elle est jolie comme un amour !

— Ah bah ! Du diable si ces deux chiffons-là ne sont pas en tout semblables ! Tu ne continues donc pas ton conte de la Belle et la Bête avec la comtesse Corona ?

— J’aime les femmes ! répondit Trois-Pattes avec une soudaine emphase.

— Moi aussi, dit M. Lecoq en dissimulant un sourire. Vous faites un drôle de corps, monsieur Mathieu ! Et vous deviez être un luron quand vous aviez vos jambes !

— Je n’ai jamais eu mes jambes, et je suis encore un luron, prononça sèchement l’estropié. Les billets vous conviennent-ils ?