Aller au contenu

Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Sans doute, sans doute, reprit-il, chère madame, M. le baron est innocent comme l’enfant qui vient de naître. Je lui dois ce témoignage : il n’a trempé dans rien du tout. Seulement, vous savez, on naît homme d’affaires. M. le baron était usurier avant d’avoir un sou vaillant. J’ai eu le plaisir de lui fournir le premier sou vaillant ; il l’avait bien un peu gagné. Dès qu’il l’a eu, il l’a prêté à la petite semaine : image naïve et réduite de cette glorieuse chose qui s’appelle la banque. Voilà l’histoire. Il y a des vocations. Ce n’est pas la synagogue qui fait le juif. »

Il prit la main de M. Schwartz et la secoua bon gré mal gré dans un élan de chaude cordialité, disant :

« Pas vrai, Jean-Baptiste ? nous avons la conscience pour nous ? c’est le principal. Mais ne nous égarons pas. Où en étions-nous ? à Gaillardbois pour les Habits-Noirs ? Non, pas encore. Nous en étions aux raisons qui excusent Mme la baronne par rapport à la bigamie. Elle n’a aucun tort de son côté, entendez-vous, bonhomme. Elle croyait son mari mort, et n’en accusez que vous ; croyant son mari mort, elle a pu convoler, c’est la loi divine et humaine, sauf chez les Bengalis, qui exigent la combustion de la veuve du Malabar. Elle aurait pu vous faire sa confession, direz-vous ? Pas fort ! Telle que vous la voyez, elle a sur les épaules…. ah ! de belles épaules !… une petite condamnation par contumace à vingt ans de travaux forcés pour dames. Ah ! mais !

— Ma femme !… s’écria le baron éperdu.

— Pas davantage ! répondit M. Lecoq. Et j’ai dans ma folle idée que le mariage était un peu pour elle un refuge, quoique vous méritiez bien d’être adoré pour vous-même, Jean-Baptiste… Vous devinez quel était le vrai nom de Giovanna Reni, n’est-ce pas ?