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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/257

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vue toute petite et se ferait tuer pour moi ; les gens de ma maison m’aiment : j’ai fait de mon mieux pour être une bonne maîtresse. Ils me garderont bien pendant les quelques heures qui vous séparent encore du but de votre vie, André, et quand vous aurez atteint votre but, tout sera dit entre le monde, et moi. Où vous reverrai-je ?

— Ce soir, au bal de Mme la baronne Schwartz, répondit André.

— Vous à ce bal ! murmura la jeune femme étonnée.

— J’aurai besoin là de tous ceux qui m’aiment, dit André.

— À ce soir, donc. Ne venez pas plus loin, mais restez ici et veillez jusqu’à ce que je sois en sûreté dans ma voiture. »

Par un mouvement rapide, elle porta la main d’André à ses lèvres et s’éloigna en courant.

Dans cette ombre, et à voir cette gracieuse jeune femme, fuyant d’un pas léger, vous eussiez dit la fin d’un rendez-vous d’amour.

Entre le coudé de la ruelle où André demeurait immobile, et le coin du faubourg, il n’y avait pas plus d’une cinquantaine de pas. André put entendre la portière s’ouvrir et voir la comtesse disparaître en jetant un ordre au cocher :

« À l’hôtel ! »

Aucun mouvement suspect ne donna raison pour lui aux craintes de la jeune femme.

La voiture partit au grand trot. À cet instant seulement, André crut ouïr un cri étouffé parmi le bruit des roues.

Il pressa le pas, le cœur serré dans une vague inquiétude. Quand il sortit de la ruelle, le coupé, lancé au galop, atteignait déjà les boulevards.