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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/370

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son crédit comme une massue, si la femme qu’il aimait n’eût barré son chemin.

Il se perdait pour la sauver. Il faisait comme André Maynotte : au moment de la lutte, ses bras, au lieu de le défendre, serraient convulsivement son trésor.

Il se dévouait ardemment et à la fois de parti pris, non pas, cependant, comme André, à la femme qu’il aimait, mais à l’amour qu’il avait pour la femme.

Il se déterminait à fuir, mais avec elle.

Il faisait une folie, il se passait un monstrueux caprice, il perdait, au jeu de sa passion conjugale, de quoi acheter tout l’amour de Paris…

Tel était l’homme qui, sans doute, avait entendu les dernières paroles de Julie, et qui montrait à l’entrebâillement de la porte sa tête ravagée, derrière l’estropié sans défense et sans défiance.

Julie n’eut pas un instant de doute au sujet de ce qui allait se passer.

Elle vit le meurtre commis distinctement et comme si le couteau que le banquier tenait à la main eût été planté déjà entre les deux épaules d’André Maynotte.

Elle connaissait admirablement cet homme, bourreau, mais victime ; elle savait ce qu’il y avait en lui de bon et de mauvais. Ici, le mauvais et le bon ne devaient point se combattre, mais bien se réunir et s’additionner pour frapper un de ces coups qui font disparaître l’arme entière dans la blessure.

Elle voulut crier, mais sa voix resta dans sa gorge.

Elle voulut s’élancer, elle crut bondir : elle était paralysée.

Trois-Pattes vit cela. Il n’eut pas le temps de se retourner.